Semaine du goût : autisme et sélectivité alimentaire

Semaine du goût !

Ce Jeudi 13 octobre 2022, l’ASEI organise ses 2ème rencontres médicales sur le thème « alimentation, nutrition, plaisir et santé ».

À cette occasion, Sandrine Fabre, orthophoniste et coordinatrice du SESSAD Odyssée, présente les approches thérapeutiques qu’elle met en place avec son équipe pour aider les enfants atteint du trouble du spectre de l’autisme (TSA) à sortir de la sélectivité (ou l’hyper-sélectivité) alimentaire. Des approches basées sur la théorie de l’intégration sensorielle et qui impliquent une collaboration permanente entre l’ensemble des professionnels du SESSAD et les parents.

Dernièrement, nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec Sandrine FABRE, voici ce que nous avons retenu :

La sélectivité alimentaire chez les enfants autistes : de quoi parle-t-on ? Quel impact pour la santé de l’enfant ?

D’un point de vue général, la sélectivité alimentaire est un refus de manger un ou plusieurs types d’aliments. Chez les enfants atteints du trouble du Spectre de l’Autisme accueillis au sein du SESSAD Odyssée, la sélectivité alimentaire est souvent sévère.

Pour Sandrine Fabre, les particularités sensorielles que présentent les enfants qu’elle accompagne ont une influence majeure sur le rapport à l’aliment et au fait de s’alimenter. Elle souligne notamment l’importance du sens du toucher qui concerne aussi bien le matériel utilisé pour ingérer l’aliment que le toucher par l’intérieur de la bouche. Pour un certain nombre d'enfants accompagnés par le SESSAD, l’impact sur leur santé est élevé. Les besoins nutritionnels ne sont pas toujours comblés lorsqu’un seul type d’aliments est toléré.

L’objectif est alors de réduire la sélectivité alimentaire afin d’éviter les carences et les problèmes de santé qui surviennent à l’âge adulte.

Peut-on généraliser l’alimentation chez les enfants atteints de TSA ? Existe-t-il un aliment phare qui serait majoritairement apprécié ?

Le suivi pratiqué au sein du SESSAD Odyssée permet d’avancer qu’il n’existe pas de règle absolue en ce qui concerne l’alimentation chez les enfants autistes. L’appréciation d'un aliment ou son aversion est guidé par un ensemble de conditions propres à chacun :

  • l’aspect visuel,
  • la texture,
  • l’odeur
  • et même la matière de la cuillère ou le bol.

S'ils sont plusieurs à aimer les pâtes : la marque, la cuisson, la forme ont toute leur importance et génère des différences entre les individus. Pour cette raison, l’accompagnement proposé par le SESSAD s’adapte aux spécificités de chaque enfant.

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Comment sont suivis les enfants atteint de TSA concernant leur alimentation, au sein du SESSAD Odyssée ?

Les professionnels du SESSAD suivent 36 enfants, de l’âge de 3 ans et demi jusqu’à 18 ans. Ils interviennent à la demande des parents que ce soit au sein de l'établissement, du domicile ou de l'école.

L’approche thérapeutique appliquée ici est comportementale. Elle se base sur la théorie de l’intégration sensorielle, c'est à dire la capacité chez l’enfant de sentir, de comprendre et d’organiser les informations sensorielles provenant de son corps et de son environnement.

En amont de l'accompagnement, parents et professionnels remplissent ensemble le questionnaire de Dunn. Il sert à mesurer les capacités de traitement de l’information sensorielle de l'enfant et permet d’évaluer leur impact sur les performances de la vie quotidienne.

Le travail sensoriel se fait alors au travers de différents moments de la journée :

  • Le temps du repas : intégration progressive de nouveaux aliments (cela peut prendre plusieurs mois), renforcement au moindre effort par les professionnels et les autres enfants, entraide et apprentissage entre enfants eux-même
  • Les ateliers sensoriels : sensibilisation à de nouvelles textures, couleurs, odeurs de façon ludique à travers une chasse aux trésors par exemple
  • Les courses pour préparer le repas : familiarisation avec un environnement nouveau de manière progressive, composition d'un menu unique qui convienne à tous, gestion du budget...
  • Les sorties au restaurant
  • Les ateliers culinaires : appropriation des aliments, des recettes et du plaisir de cuisiner

Les réactions des enfants (rejet, acceptation, progression) durant ces moments spécifiques sont recensées dans une grille d'analyse sensorielle partagée avec les parents. L’enfant, quant à lui, peut voir ses progressions sur un calendrier personnalisé grâce à l'utilisation de photo ou picto de l'aliment. D'un repas sur l'autre, il sait l'aliment qu'il a accepté ou pas.

Sandrine Fabre insiste sur au moins plusieurs points, pour des résultats positifs :

  • La collaboration entre toutes les parties prenantes et le partage des outils : forte implication des parents, équipe systématiquement formée aux outils utilisés, interaction permanente avec l'école etc.
  • L'encouragement des enfants au moindre effort : applaudissements, aliments préférés proposés
  • Ne jamais forcer à goûter

Au SESSAD Odyssée, les résultats sont là. Très peu d’enfants accueillis restent sur l’hyper-sélectivité.

Comment se passe l’accompagnement des enfants autistes à la cantine de l’école ?

Parfois, selon le projet personnalisé individuel et l’accompagnement mis en place par le SESSAD, l’enfant peut prendre ses repas à la cantine. Un aménagement adapté est proposé : casque anti-bruit si l'enfant à des difficultés à gérer le bruit, panier repas si la sélectivité alimentaire est trop élevée... 

En outre, les professionnels organisent, en amont, des actions de sensibilisation auprès des encadrants et des autres élèves pour favoriser l’accueil de l’enfant atteint de TSA.

Et avec les parents ?

En plus de leur implication à chaque étape, grâce au travail sur les outils et aux comptes-rendus réguliers, les parents peuvent participer à des groupes d’entraides. Ils sont également encouragés à prendre part aux ateliers culinaires avec leurs enfants.

Et après le SESSAD, il se passe quoi ?

Le suivi de l’équipe se fait pendant 3 ans après la sortie, selon l’accord et l’envie des parents et des jeunes. Les parcours sont variés.

Si certains ont atteint un degré d’autonomie suffisant et ont réussi à pérenniser leurs habitudes alimentaires, d’autres éprouvent le besoin ponctuel de revenir au SESSAD pour reprendre confiance en eux.

« On est là, au service de l’enfant. On s’adapte à ses besoins. Tous cela demande une grande flexibilité à l'équipe pluridisciplinaire. ».

Merci à Sandrine Fabre pour le temps accordé et les explications fournies qui ont permis de mieux appréhender la notion de sélectivité alimentaire chez les enfants autistes et la théorie de l'intégration sensorielle.  Merci à tous les professionnels sans qui l'accompagnement fournit ne serait pas possible.